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Optimiser le processus de Barcelone
On s’accorde généralement à dire que, depuis son lancement en 1995 à Barcelone, le Partenariat euro-méditerranéen n’a pas vraiment répondu aux grands espoirs qu’il avait suscités. Les ambitions initiales de cette nouvelle forme de politique méditerranéenne étaient en effet très importantes : assurer la paix et la stabilité régionale, encourager un développement économique partagé, permettre une meilleure connaissance mutuelle de part et d’autre de la Méditerranée. Ces grandes ambitions sont aujourd’hui tempérées, et le Processus de Barcelone glisse désormais insensiblement de la discrétion à la banalité. Discrétion, car les atouts, réels, du Partenariat, sont mal appréciés du grand public et des pays partenaires eux-mêmes ; banalité, car l’originalité du projet initial se dilue dans des procédures communautaires classiques et trop complexes à la fois. Au final, le Processus de Barcelone est souvent considéré, au pire, comme un dispositif inutile à vocation plus ou moins publicitaire, et au mieux, comme une déclinaison locale de la mondialisation commerciale.
L’effort de bilan est ici toujours repoussé, au motif que cette politique serait encore trop jeune pour être évaluée. Sept ans n’auraient-ils donc pas suffi au Partenariat pour atteindre l’âge de raison ? Il semble pourtant légitime aujourd’hui de réfléchir à « l’acquis de Barcelone », selon l’expression utilisée par la Commission elle-même. L’urgence d’une telle réflexion est particulièrement évidente dans le contexte de l’après 11 septembre. Les attaques terroristes perpétrées sur le sol américain ont en effet brutalement réactualisé les inquiétudes sécuritaires qui avaient inspiré Barcelone. L’Europe s’interroge aujourd’hui à nouveau sur une possible « menace méditerranéenne » et, au-delà de quelques mesures d’urgence concrètes, confirme son intention de traiter le terrorisme sur le long terme et à la racine. Or le principe du Partenariat est précisément de faire face à la menace méridionale, multiforme et imprécise, de façon globale, et en tenant compte de facteurs économiques et sociaux traditionnellement négligés par l’analyse stratégique. La dynamique vertueuse du libéralisme, qui associe une démocratisation progressive des institutions politiques à la diffusion de l’économie de marché, est ainsi au cœur du projet libre-échangiste de Barcelone.
Le Partenariat euro-méditerranéen est dans les faits un cadre de travail original, offrant la possibilité de structurer une action autonome de l’Union européenne dans la région. Pourquoi le Processus de Barcelone s’est-il donc, chemin faisant, détourné de sa perspective stratégique essentielle ? Quel sens donner aujourd’hui à un Partenariat que sa lourdeur et sa complexité rendent de moins en moins gérable ? Répondre à de telles questions suppose, une fois rappelées les contraintes qui pèsent sur Barcelone de façon permanente, de se pencher sur les intérêts qui entrent en jeu dans la relation euro-méditerranéenne, avant de réfléchir sur les méthodes et les institutions du Partenariat.
Le Partenariat est en effet une construction complexe, additionnant dans une grande confusion les motivations et les objectifs des partenaires des deux rives de la Méditerranée. A mesure que l’intégration régionale progresse, les conflits de plus en plus visibles entre ces différents intérêts et objectifs contrarient l’effort de structuration d’ensemble. D’importantes contradictions en résultent, qui mènent le Partenariat à des impasses. Quelques grands choix ne peuvent plus aujourd’hui être différés si l’on veut garantir une nouvelle mobilisation dans le cadre de Barcelone.
Quatre thèmes de réflexion apparaissent ainsi comme prioritaires pour l’avenir du Partenariat. Premièrement, le sens de la relation partenariale elle-même, qui suppose de clarifier en quoi le statut de « partenaire » peut être considéré comme attractif et porteur d’une dynamique pour les pays tiers méditerranéens. Deuxièmement, la portée de l’ambition régionale et la prétention de Barcelone à traiter simultanément le politique, l’économique et le social ; introduire une dose de flexibilité dans le Partenariat et réfléchir à une forme de conditionnalité politique sont ici des sujets de réflexion ouverts. Troisièmement, l’insuffisante visibilité du Partenariat, qui met en question sa faible institutionnalisation et son aspect parfois expérimental. Quatrièmement enfin, la pertinence et la centralité du cadre méditerranéen lui-même, à la veille de l’élargissement de l’Union, et alors que de nouvelles lignes de structuration géopolitique se dessinent au-delà de la Méditerranée.
Sur ces quatre thématiques, des alternatives se dégagent, qu’il appartiendra à l’Europe de trancher. Différentes améliorations concrètes pourront alors être utilement envisagées pour redynamiser à court terme le cadre de Barcelone.